Un cours ? Quel cours ? (avec Hiroya Shiraï) / Terminé !

Je me sentais parfaitement détendue. En cette douce après-midi printanière, j'avais décidé, pour changer, de m'installer en pleine nature, histoire de respirer un peu d'air frais, de me détendre, et qui sait, peut-être de trouver l'inspiration ! Baron était bien évidemment à mes côtés, et son museau adorable frétillait avec délice, signe qu'il appréciait la sortie.

Alors, oui : je n'étais pas censée être là. Pour être parfaitement franche, j'étais même censée être en cours, celui de m'sieur Shiraï, mais il ne m'intéressait pas du tout, et de toute façon, il fallait bien que je fasse sauter quelques heures si je voulais pouvoir me reposer correctement. Être à la fois une pokémagicienne prestigieuse et une voleuse d'exception, ça prend beaucoup d'énergie et de temps. J'avais bien le droit à une pause de temps en temps ! De toute manière, je venais si peu de fois à son cours qu'il ne me reconnaîtrait probablement pas, même si je me remettais soudainement à y revenir.

Quoique... Peut-être que si. Il faut dire que j'ai fait parler de moi, le peu de fois où je suis venue. Je n'arrivais pas vraiment à me concentrer. Il avait passé son temps à me demander de me taire et de noter le cours : mais c'est pas ma faute, si les Mégas ne m'intéressent pas ! J'ai qu'un Bulbizarre, je suis encore loin d'avoir besoin d'un truc pareil ! Et puis de toute façon ils sont moches.

Baron décida de s'intéresser de plus près à l'eau. Je ne regrettais pas de sécher ces cours. Je me demandais même s'il allait s'essayer à la natation.

Ah...

Je décidais de m'étirer un petit peu. Les bras bien en haut... Ah ! Ça fait du bien. Une petite rotation des hanches, jusqu'à se retourner au maximum... Ah !

Ah !
« Flûte ! »
Flûte ! Je viens de le dire tout haut ! Aah !

M'sieur Shiraï était juste là ! Je regardais l'heure : son cours venait de se terminer. Mince ! Mais qu'est-ce qu'il fait là ? Il peut pas se retrancher dans la salle des profs, comme tout le monde ? J'appelais Baron : en vain, il était trop obnubilé par l'eau. Alors je me retournais, priant pour qu'il ne me remarque pas malgré mon intervention. Si on s'aperçoit que je sèche pour rien, c'est pas bon pour mon dossier.

Non ! Mince ! Quelle andouille je fais !  M'sieur Shiraï m'avait repérée : c'était foutu. Je n'osais même pas lever la tête pour le regarder. Malgré son ton calme, je devinais qu'il n'était pas bien content de me voir là. Pendant un instant, je me contentais de regarder droit devant moi, fixant le lac-- ah, quel beau lac, quel beau temps, aujourd'hui ! Tout en tentant de trouver une solution.

À vrai dire, je ne serais pas aussi paniquée si ma bourse et ma présence ici ne dépendaient pas de mon dossier. Après tout, aucun parent ne paie pour moi : je suis venue ici car l'académie a bien voulu de moi. Si on se rend compte que je ne suis pas si irréprochable que ça, alors je peux dire adieu à mon futur ici. Jusque là, je me débrouillais toujours pour obtenir de quoi avoir la moyenne, et pour concentrer mes efforts sur certains matières moins ennuyeuses que le reste. (De toute façon, j'ai pas besoin d'aller en cours pour m'en sortir : j'ai toujours passé mes années au talent ! Et ça, du talent, j'en ai un paquet !)

Bref, là, trouver une excuse, c'était mort. Il me fallait autre chose.
Baron s'avançait tout doucement dans l'eau. Elle devait être froide, non ?
Ça n'avait pas l'air de le déranger.
Cela dit, je ne suis pas sûre qu'il sache nager.
Bon, il est pas stupide non plus, ça ira.

Je décidais de jouer le jeu. Faute avouée, à moitié pardonnée, non ? Non ? Dites moi que oui. Je me tournais pour faire face à mon professeur, restant assise.

OH PAR ARCEUS. Un sursaut me secoua soudain, et je manquais de pousser un cri à pas grand-chose. Qu'est-ce que ?! J'avais l'impression d'être face à la mafia, toisée de haut par mon professeur et son (très intimidant) compagnon. Il me fallut quelques secondes pour retrouver mes aises, mais je gardais tout de même un oeil sur le dragon, en essayant de cacher ma nervosité.

« Ah, prise la main dans le sac ! » dis-je en riant (je n'avais pas envie de rire). « Vous ne m'en voulez pas trop, j'espère ? Je me débrouille toujours pour me procurer les cours, vous en faites pas ! Mais je suis vraiment désolée ! »

C'était pathétique, je le savais, mais que dire dans cette situation ? J'essayais de changer le sujet, subtilement.

« C'est un sacré Pokémon que vous avez là, m'sieur Shiraï ! Vous venez pour profiter du soleil ? »

Probablement la diversion la plus nulle du monde. Je sais. Mais que faire d'autre ?!

Je me sentais soulagée. M'sieur Shiraï avait complètement accepté mes excuses. Et ma diversion avait fonctionné ! Haha ! J'étais sûre que ça marcherait, de toute façon. Je suis juste trop géniale. Ah, ouf, quand même, on a encore eu de la chance. Haha.

Le mastodonte s'appelait donc Midir. D'accord, compte sur moi pour oublier cette information dans dix minutes. Ça, qu'il provoque la peur, j'étais bien d'accord. Je me contentais d'acquiescer, laissant mon professeur s'éloigner du sujet qui fâche : mon absence en cours.

Ah.
Il n'avait pas oublié finalement.
Je me contentais de rire avec gêne.

Il me demanda la permission de s'asseoir auprès de moi : je m'apprêtais à lui répondre que de toute façon, j'étais sur le point de partir.
Mais il s'était déjà assis.

Bon, très bien. Me voilà donc coincée.

M'assurant qu'il n'était pas là pour faire la police, il enchaîna sur des remarques de type « mon cours est utile à tous ! », ce genre de choses. Pour être parfaitement honnête, ça ne m'affectait pas du tout.
Non mais, c'est vrai ! Il n'avait aucune idée du temps que je passais à travailler, moi ! Préparer des numéros, entraîner Baron à être discret, commettre des larcins avec une touche de classe et compter mes billets, ça me prend un temps fou ! Sans parler des sorties restaurants et de mes spectacles totalement bénévoles. Je ne dors que quatre à cinq heures par nuit ! Un emploi du temps de ministre, je vous dis !
J'ai bien le droit de me reposer un petit peu quand même. Et puis tant pis pour lui, je ne suis pas sa seule élève.

Enfin ça, je ne pouvais pas le lui dire. Ça ne ferait pas très sérieux. (Et je ne voulais surtout pas rendre la situation encore plus gênante).

« Je sais bien, m'sieur Shiraï ! J'essaierai de venir plus souvent à l'avenir, mais c'est que j'ai du mal à dégager assez de temps pour l'entraînement, et tout ça, vous sa-- »  plouf.

Plouf ? Comment ça, plouf ? Je regardais autour de moi : non, ça ne servait à rien de regarder derrière, il n'y a que des arbres là-bas, qu'est-ce que tu fais Niamh ? Si plouf il y a, ça venait forcément du lac !
J'observais la rive en silence quelques instants, interpellée. Quelque chose me semblait avoir changé, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus.
Quelque chose d'important...
Je n'ai rien pris de valeur avec moi... Donc rien n'est tombé.
D'ailleurs, mon sac est juste là.
Quelque chose d'important...

Mais quoi ?
...
AH ! « AH FLÛTE ! » criais-je soudain d'une voix aigue.

Baron !
C'était Baron qui jouait là depuis tout à l'heure !
Oh non, mais qu'est-ce qu'il est con !
Il avait dû marcher et atteindre une zone profonde sans transition.
Et : plouf.

J'étais complètement paniquée, mais tellement surprise que je ne savais pas quoi faire.
« M'sieur Shiraï ! Mon Poké... Mon Pokémon vient de t-tomber à l'eau ! »

Au fond de moi, j'espérais qu'il fasse quelque chose. Il avait l'air assez débrouillard, et je ne voulais pas trop me mouiller. De toute façon, c'est un prof, Baron ne risquait rien.
Au pire j'irai le récupérer, mais vraiment, si je peux éviter de m'enfoncer dans la vase tout habillée...

Ah ! Mais c'est horrible de penser ça ! Niamh, c'est ton Pokémon quand même ! En plus, c'est un Bulbizarre !

Encore sous le choc, je ne m'étais toujours pas relevée. Après tout, Baron n'avait coulé que depuis six ou sept secondes...

C'est avec une stupéfaction teintée de soulagement que je vis m'sieur Shiraï se jeter à l'eau à ma place, après avoir lâché un juron-- on peut le comprendre. Qui apprécie se jeter dans la vase pour récupérer le Pokémon inconscient de quelqu'un d'autre ?

Il parvint à limiter les dégâts néanmoins, en se débarrassant de ses chaussures, chaussettes, son T-shirt et le contenu de ses poches.
Je ne vais pas vous mentir :
Pendant un instant, oubliant totalement l'urgence de la situation...
J'ai envisagé de lui chiper un des trucs qui traînaient au sol.
Mais finalement, les risques n'en valaient pas la peine : il allait sûrement me repérer, car ce n'est pas le plus subtil des larcins. Je me contentais donc de regarder avec envie tous ces objets abandonnés, réprimant tant bien que mal le furieux désir de les mettre dans ma poche.

Non, retrouvant mes esprits, je me décidais plutôt à m'approcher de la berge, attendant le retour de mon professeur et de Baron. Aïe, aïe, aïe, l'eau était bien sale. Loin d'être claire, surtout près de la berge, on se doutait qu'un peu de vase s'y était mêlée. J'étais bien contente de ne pas être celle qui y pataugeait en ce moment.

Alors je vous venir : oui, bien sûr que j'étais inquiète pour Baron.
Qui ne s'inquiéterait pas pour son propre Pokémon ?!
Je suis pas un monstre.
Mon coeur battait à la chamade, et cetera.
C'est juste... D'un côté, ça lui apprendra, puis m'sieur Shiraï avait agi vite et bien. Je ne me faisais pas trop de soucis.
Je peux vous dire que je m'inquiéterais bien plus si c'était moi qui était censée aller le sauver.
Alors non, soyons bien d'accord : je suis une personne exceptionnelle, et sans conteste la meilleure que je connaisse (et je connais beaucoup de monde), et je vous ferais dire que je suis très bonne athlète, d'ailleurs je m'entraîne très souvent !
Cependant !
Je n'aime pas ouvrir les yeux sous l'eau, parce que ça pique, et je n'aime pas vraiment toucher les algues non plus, c'est dégoûtant. Or, je suis sûre que le fond de ce lac est rempli d'algues-- par ailleurs, d'algues particulièrement viles et gluantes. Ça aurait prodigieusement freiné ma vitesse de nage, et, de ce fait, l'efficacité de mon sauvetage.

Mais revenons-en aux faits, s'il vous plaît, arrêtez me distraire !
Voilà que m'sieur Shiraï était enfin remonté sur la berge, trempé. À mon grand soulagement, Baron reposait sagement dans ses bras. Son sauveur le posa à mes pieds, avant de s'adresser à lui sans même faire attention à moi : immédiatement, en voyant mon partenaire dans cet état, je m'agenouillais aux côtés du professeur pour essayer de lui arracher un bruit, un geste, quoi que ce soit.

Mon coeur se serra un petit peu, en voyant ce petit être si doux, si parfait, dans un état si déplorable. D'une voix hésitante, inconsciemment tremblante, je demandais : « Baron ? »

Il ne me répondit pas.

L'inquiétude me saisit sérieusement, cette fois-ci : je tentais d'éveiller le Bulbizarre en lui laissant flairer mon odeur, mais rien ne se passa. Pourtant, son petit torse se soulevait en rythme, bien que faiblement.
Il me vint une idée : je me dirigeais soudain vers mon sac, pour en sortir une boîte en plastique rouge. Me rapprochant ensuite à nouveau de Baron, j'ouvris celle-ci pour en sortir une espèce de croquette fourrée, et la posa devant le museau plat de mon compagnon.

Quelques instants après, ses narines remuèrent, et une langue rose fusa vers la friandise-- juste assez loin pour s'en saisir et repartir aussitôt.

Sans même m'en rendre compte, je laissais échapper un immense soupir de soulagement. Je ne tenais pas à récompenser Baron pour son comportement d'abruti fini, mais, néanmoins, le simple fait de le voir manger ces croquettes me rassurait grandement : je continuais donc à en disposer quelques devant lui, qu'il s'empressa de manger, cependant sans ouvrir les yeux pour le moment.

Mon regard croisa celui de m'sieur Shiraï, toujours présent.
Ah !
Ah oui, je devrais le remercier !

« Merci beaucoup, m'sieur Shiraï ! » dis-je avec entrain. Je lui en étais vraiment reconnaissante. « Je sais pas ce que j'aurais fait si vous étiez pas là. »

Je m'aperçus qu'il était toujours torse nu-- étonnamment musclé, d'ailleurs, malgré sa carrure plutôt svelte--, et toujours trempé. À sa place, je n'apprécierai pas trop. « Euh, vous voulez un truc pour vous sécher ?... Je peux vous prêter une veste ou un truc du genre s'il faut ? » Je n'avais pas trop envie de salir mes propres vêtements, mais c'était la moindre des politesses. (Même si, pour la peine, j'aurais dû lui chiper un truc).

Inutile de le cacher : j'étais bien contente de savoir que m'sieur Shiraï se passerait de mes vêtements pour se sécher. Il avait bien raison : je ne voulais sûrement pas me retrouver avec des habits boueux et trempés. De ce fait, je n'insistais pas davantage, le laissant à son sort. De toute manière, il avait d'ores et déjà redirigé son attention vers Baron. « D'accord, pas de soucis, hésitez pas, hein ! » lançais-je tout de même, histoire de faire bien.

C'était, somme toute, assez étrange de le voir aussi inquiet au sujet de mon Pokémon. Il me semblait que les rôles étaient inversés, et que le propriétaire de Baron, c'était lui : malgré le sentiment de panique qui m'avait initialement envahie, je me sentais à présent plutôt sereine, après avoir vu mon Bulbizarre dévorer les friandises que je lui avais présentées. Puis, l'effet de surprise s'était estompé.

Encore pire : je me réjouissais d'avoir échappé à la terrible discussion professeur-élève à laquelle j'avais été confrontée, avant que Baron ne se jette à l'eau (littéralement, ha, ha). Cependant, à voir m'sieur Shiraï aussi impliqué, j'avais l'impression de ne pas agir normalement. Pourquoi n'étais-je pas aussi inquiète que lui pour mon propre Pokémon ?... Mais... Était-ce vraiment une mauvaise chose ?

J'étais déconcertée. Vraiment, je ne voyais pas la moindre raison de m'inquiéter davantage. Néanmoins, souhaitant faire bonne figure, je mimais une inquiétude maladive, murée dans le silence, les yeux rivés sur Baron.

Ce n'est pas que je n'aime pas ce Bulbizarre. Bien au contraire : n'importe qui saura vous dire qu'il s'agit de l'être le plus précieux à mes yeux. Je n'ai jamais été aussi proche de quelqu'un que de ce Pokémon. Mais juste... Non, je ne sais pas. Honnêtement, je voulais juste le faire rentrer dans sa pokéball et rentrer, ou, à la rigueur, l'emmener à un centre, ou, dans l'idéal, juste continuer à me prélasser.

Quand soudain, après quelques minutes interminables, le petit Pokémon finit par ouvrir ses yeux carmin. Il se redressa légèrement, doucement, visiblement sonné, et regarda tout autour de lui, sans trop bouger.

Je soufflais. Par Arceus, on allait enfin pouvoir bouger un peu ! « Ah ! Il a l'air en forme ! » lançais-je en grattant le sommet du crâne de mon compagnon, qui n'avait pas l'air de comprendre grand-chose. « Heureusement qu'il a vite été sorti de là ! Haha. »

Je décidais de me lever, m'étirant un peu. Ça m'avait engourdie de rester assise sans bouger aussi longtemps. Tout est bien qui finit bien, finalement ! Personne n'est mort, personne ne s'est fait faire la morale : on s'en sort plutôt pas mal !
Enfin, pourvu que ça continue.