Mais faites le taire ! (avec Misha)

Dû à des professeurs absents, j'avais terminé mes cours bien en avance aujourd'hui : quelle bonne nouvelle ! Je savais que ma super pote Misha finissait relativement tôt dans l'après-midi, et on avait donc décidé de se retrouver en ville pour conclure des affaires. Enfin, une affaire, en l'occurrence : j'avais récupéré (avec classe et maîtrise) le holokit d'un nouvel élève naïf-- prénommé Klaus, et franchement, j'étais vraiment impatiente de l'échanger contre une petite liasse de billets.

Une fois n'est pas coutume, l'appât du gain, cette fois, n'était pas ma seule raison de vouloir me débarrasser au plus vite de cet appareil.
Toute la journée.
Toute. La. Journée.
Et TOUTE LA NUIT !
Des notifications. Plein de notifications. Son holokit n'avait pas cessé de sonner, et c'en  était devenu insupportable ! J'ai bien essayé de changer les paramètres, mais déjà, il avait mis un mot de passe (ah, ça pour protéger ses données il sait s'y prendre, mais son sac c'est plus compliqué tout de suite !), et en plus, son modèle était trop avancé, du coup, impossible de comprendre comment modifier tout ça, sans toucher au mot de passe.
Alors : chers parents de Klaus, et Theo aussi, merci de m'avoir privée de mon (crucial) sommeil réparateur.

Tout ça pour dire : je ne passerais pas UN jour de plus avec ce holokit dans ma chambre.
(J'ai bien cru que j'allais le casser en deux !)

C'est donc avec mon précieux et bruyant butin que je m'étais dirigée vers le quartier nord d'Edénia. Ce coin de la ville étant mal famé, j'avais rangé mes Pokémon dans leurs balls, elles-même rangées dans mon sac : un sac à bandoulière que je tenais devant moi. Je m'y connais : on ne me la fait pas. Pour ne pas éveiller les soupçons, c'était Misha qui allait procéder à la vente (j'ai une réputation à tenir), mais j'allais tout de même l'accompagner jusqu'à la boutique : rien de suspect à se promener en ville avec une amie, même si l'endroit est peut-être mal choisi. Cela dit, juste au cas où, je m'étais vêtue de façon un peu plus sobre que d'habitude : un jean bleu tout ce qu'il y a de plus classique, accompagné d'un T-shirt indigo, lui aussi parfaitement passe-partout, ainsi qu'une simple casquette bleue.

Au bout de quelques minutes, j'arrivais finalement à destination : un simple arrêt de bus. C'était notre point de rendez-vous la plupart du temps, car il était facilement repérable et plutôt pratique : de plus, la rue qui nous intéressait, emplie de boutiques d'achat et revente en cash, était proche. Misha n'était pas encore arrivée : pas de soucis ! J'avais pris de quoi m'occuper. Feuilletant un petit pamphlet de AUB sur les Bulbizarre, j'attendais patiemment son arrivée, adossée à un poteau. Mais ma fatigue n'aidait pas : et, moi et ma petite mine, nous ne comprenions pas grand-chose à ce que nous lisions.

Mais quel enfer, cet appareil.

Beaucoup auraient pu être intimidés par l'atmosphère qui régnait dans ces ruelles du quartier nord d'Edénia : Tandis que nous avancions le long des boutiques étranges et des immeubles apparemment abandonnés, je remarquais les regards mi-impassibles mi-curieux des habitués du coin : qui connaissaient peut-être Misha, pour ce que j'en savais, mais devaient se demander ce qu'une fille comme moi faisait là. Mais-- ce quartier, je le connaissais un peu aussi. J'étais née à Edénia, et en tant qu'orpheline et voleuse, rien de surprenant à ce que j'aie passé quelques sympathiques moments ici avant de faire la connaissance de Misha. Cela dit, l'endroit manquait de couleurs et de vie : pour cette raison, je n'y passais pas souvent.

Avec un soupir, je toisais Misha, mes yeux cernés par la fatigue. Puis, je sortais de mon sac l'objet de ma peine et de ma joie : le holokit de Klaus. Avec un début de sourire fier, tout de même.

« J'ai réussi à piquer ça à un élève : regarde, c'est-- »

Bip bip !

« C'est le-- »

Bip bip !

« RAAAAH ! »

Bip bip !

Me murant dans le silence, j'attendais que les notifications prennent fin. Je me demandais si sa famille était du genre à écrire une simple phrase en trois messages différents, ce qui expliquerait ma nuit particulièrement compliquée. Puis, quand les notifications prirent fin, je m'adressais de nouveau à Misha, plus lasse que jamais.

« C'est un des derniers modèles. Ça doit valoir une fortune ! Et surtout, il n'arrête pas de sonner, et je sais pas comment arrêter ça. Ça me rend dingue ! Il faut que tu m'en débarrasses, Misha ! »

En temps normal, je lui aurai parlé de cette prise avec les yeux brillants : mais, aujourd'hui, en raison du caractère plutôt bruyant de l'appareil, c'était davantage de la détresse qui devait se lire dans mon regard perdu.

Quand soudain...
Je me retournais. Rien.

Il me semblait avoir senti une présence : pourtant, dans la ruelle dans laquelle nous nous trouvions-- plutôt lugubre et étroite, sombre à l'exception d'un petit coin de verdure éclairé par le soleil non loin de nous-- il n'y avait personne. Peut-être avais-je rêvé ? Il nous faudrait peut-être avancer tout de même. Je n'étais pas rassurée.

« Enfin, on devrait avancer ! Ce coin ne me dit rien qui vaille ! »

Entraînant mon amie par le bras, je marchais d'un pas rapide pour m'extirper au plus vite de cette ruelle étrange.