À l'aventure, compagnons ! (capture, solo)

Débardeur confortable : check.
Short cargo plein de poches : check.
Sac à dos, déjeuner et bouteille d'eau : check.
Guide de survie : check.

Aujourd'hui, Niamh partait à l'aventure.

Je vous vois venir : peut-on vraiment parler d'aventure, quand il s'agit seulement de longer les sentiers de la forêt d'Edenia ? Moi, je vous réponds : il n'y a pas de raison. L'aventure, c'est avant tout un état d'esprit.
Niamh avait visionné beaucoup de vidéos d'explorateurs en quête d'adrénaline, qui parcouraient des forêts vierges, escaladaient des montagnes escarpées ou partaient en tour du monde à bord de leur voilier. Elle aussi voulait vivre l'aventure, frissonner de peur et d'excitation, et braver milles périls pour finalement découvrir un trésor oublié ou un savoir ancestral qui la rendrait riche.

Est-ce qu'elle trouverait tout cela en arpentant les sentiers forestiers de l'île ? Peut-être. Peut-être pas. L'avenir nous le dira.

C'est talonnée par son Bulbizarre que Niamh se lança dans son aventure, en passant le pas de la porte de sa chambre. (Il faut un début à tout). Elle ferma la serrure à double-tour, et, enthousiaste, se dirigea à pas lestes vers la forêt d'Edenia. Pour y parvenir plus rapidement, elle utilisa une astuce fort pratique (véritable bon plan d'explorateur aguerri) : les transports en commun. Assise sur les sièges décorés de motifs hideux, l'autoproclamée aventurière tenta de méditer, entre une classe d'enfants bruyants et un fan d'électro probablement sourd-- À sa grande déception, elle ne parvint pas à atteindre un l'état de plénitude recherché pour sa toute première expédition.

Finalement, c'est aux alentours de onze heures qu'elle fit ses premiers pas sur les sentiers tant fantasmés, au milieu d'une foule de coureurs du dimanche. Plusieurs chemins étaient proposés : du plus facile, qui faisait une boucle de trois kilomètres, au plus ardu, qui passait par des coins plus reculés de la forêt, et rejoignait parfois les autres routes sur quelques centaines de mètres.

Niamh, en parfaite exploratrice, s'élança sur le sentier moyen (elle n'était pas folle non plus). Long de sept kilomètres, elle était certaine d'y trouver de quoi apaiser sa soif d'adrénaline. En fait, voir autant d'arbres farouches et sauvages faisait déjà bondir son petit coeur de citadine. (Les arbres de cette forêt l'étaient d'ailleurs tout particulièrement).

Au cours des trois premiers kilomètres, rien ne sembla sortir de l'ordinaire. De temps en temps, quelqu'un passait en faisant son jogging, toisant, interloqué, la jeune Niamh vêtue de son équipement complet de randonnée. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait sursauté, pensant avoir aperçu une espèce rare de Pokémon, alors qu'il ne s'agissait que d'un stupide oiseau. Mais, mis à part ça, la téméraire aventurière appréciait son expédition, observant avec détermination chaque coin et recoin de cette forêt qui ne paraissait pas avoir de fin. Elle était tout de même très contente d'avoir un chemin à suivre : après tout, quand on devient explorateur, il faut bien commencer quelque part.

Néanmoins, Niamh décida, après deux bonnes heures, de s'éloigner un peu du sentier afin de s'asseoir sur un amas de rochers couverts de mousse, histoire de prendre une petite pause. Depuis son promontoire, elle observa quelques instants la forêt silencieuse et son tapis florissant. Elle sentit l'odeur marquée de l'écorce, des chemins terreux et de la mousse humide : profita de la brise légère qui soufflait sur son visage, et des rayons de soleil chauds qui avaient réussi, malgré la végétation prospère, à se frayer un chemin jusqu'à sa peau juvénile. Seule parmi les arbres, elle se trouva emplie d'un tout nouveau sentiment de sérénité, complètement inédit : elle avait véritablement l'impression de ne faire qu'un avec la nature.

Cependant, tout ceci l'ennuya bien vite, et elle entreprit d'explorer les alentours (tout en gardant le sentier bien en vue), en sautant agilement du haut des rochers pour s'élancer gaiement dans les hautes herbes environnantes.

La végétation était à cet endroit luxuriante, et il était bien difficile de voir où l'on marchait. Entre les buissons, les fleurs diverses et variées, les jeunes arbres et les champignons, Niamh ne savait plus où donner de la tête. De plus, curieuse de tout ce qui l'entourait, elle mourait d'envie de cueillir quelques fleurs afin de les regarder plus en détail. Certaines d'entre elles étaient en fait particulièrement étranges, de grande taille et aux couleurs bien curieuses.

Mais ça ne serait pas dégrader la nature, par hasard ? Aïe, cas de conscience pour la végétarienne, qui n'avait rien à gagner en arrachant ces fleurs peut-être protégées, sinon de satisfaire sa curiosité personnelle. Cela dit, en tant que coordinatrice, elle estimait bien avoir le droit de se servir de la nature comme source d'inspiration de temps en temps, et il lui fallait bien, de ce fait, ramener un peu de nature dans sa chambre si elle comptait mettre au point de nouveaux numéros palpitants et esthétiquement plaisants.

Elle arracha de ce fait brusquement une grosse fleur jaune, sur laquelle elle avait jeté son dévolu.
La fleur poussa alors un cri strident...
Puis, elle commença à se débattre vigoureusement.

Confuse, Niamh se contenta de pousser des cris surpris, mais ne relâcha pas du tout sa prise. Paniqué, Baron courait en rond autour d'elle en couinant : d'autres « fleurs », non loin, décampaient aussi vite que le leur permettaient leurs petites pattes. Cette scène ridicule continua encore cinq bonnes minutes, durant lesquelles humain comme Pokémon gesticulèrent sans savoir quoi faire. Puis la plante attaqua : un liquide poisseux jaillit de ses entrailles et coula sur le bras de l'aventurière en herbe.

Niamh poussa alors un cri encore plus strident que les précédents, lançant par la même occasion brutalement le Pokémon, qui percuta un arbre avant de s'affaisser au sol, sonné. La main de l'adolescente la brûlait terriblement, et elle sautillait sur place en la tenant, les larmes aux yeux.

Néanmoins, elle s'aperçut que le Pokémon ne semblait pas être dans le meilleur état qui soit, et s'en approcha tant bien que mal. La créature lui lança un regard méfiant. Baron, lui, réussit à se faufiler à côté d'elle pour l'observer de plus près.

« Ah mais, c'est un Chétiflor ! » s'exclama-t-elle soudain.

Elle en avait entendu parler en cours. Certes, elle aurait pu y penser avant de cueillir la pauvre bête, mais ça n'était pas dans ses habitudes : néanmoins, la situation avait joué en sa faveur, puisque la bestiole était à présent affaiblie (première étape théorique d'une capture). Niamh était fort intéressée à vrai dire, puisque, selon elle, un Boustiflor constituerait une parfaite alternative au haut-de-forme sans fond de ses numéros de prestidigitation. Enfin, pour peu que le Pokémon concerné ait une digestion lente. Quelle tournure originale pour un tel classique de l'illusion ! Son public ne s'en remettrait pas.

Le Chétiflor semblait reprendre ses esprits lentement. Niamh, le gardant bien en vue, entreprit de fouiller son sac à la recherche de ses copain-balls (elle n'utilisait pratiquement que ça). Le silence pesa un instant sur la forêt, comme si tout ce qui la peuplait retenait son souffle.

Quand soudain, le Chétiflor se redressa prestement, et se prépara à déguerpir ! « Ah non ! » Cria Niamh, qui lâcha précipitamment son sac pour bondir sur le petit Pokémon et lui faire un plaquage en règle. La bête poussa un cri étouffé et recommença à se débattre. Niamh n'allait pas pouvoir la retenir très longtemps !



« Baron ! Ramène-moi une ball, vite ! » Et le petit Bulbizarre s'élança sur le sac tombé au sol. Mais son contenu s'était retrouvé éparpillé par terre ! Sur un fond de cris stridents (le Chétiflor était un peu réticent) et de larmoiements intempestifs (la main de Niamh la faisait toujours souffrir), sa grosse tête verte fouilla les hautes herbes et le parterre de fleurs avec beaucoup d'attention. Baron ne trouvait que chocolats, feuilles volantes et tickets de caisse froissés : paniqué, il pensait devoir se résoudre à échouer, lorsqu'il aperçut soudain le Saint Graal. Rapide comme l'éclair, il saisit doucement la pokéball de sa mâchoire, et revint en courant vers Niamh.

Celle-ci le remercia entre deux gémissements de douleur, s'empara de la copain-ball et la cogna contre la tête du Chétiflor (qui était, d'ailleurs, étonnamment molle). Un vif jet de lumière éblouit un instant la jeune exploratrice, puis le silence tomba à nouveau sur la forêt. (À l'exception de quelques coureurs qui, interloqués mais trop effrayés par la scène, décidèrent de passer leur chemin).

Et la ball ne bougea plus. Niamh se releva d'un geste, sa tenue maculée de terre et de mousse, remercia son Bulbizarre, et ramassa son nouveau compagnon. Haha, malgré ce début difficile, grâce à la copain-ball, ils deviendront super potes, non ? Non ? Mais si. Elle devait réfléchir à un nouveau nom. Oh, elle aurait bien le temps de le faire en rentrant.

Satisfaite de sa prise,  Niamh retrouva le sentier et continua son exploration, cette fois-ci sans s'aventurer dans les hautes herbes. Elle avait atteint son objectif, par miracle à vrai dire : trouver le long des sentiers un peu d'adrénaline, un peu d'aventure et un butin à ramener chez soi : un butin certes récalcitrant, mais un butin quand même.

Il ne lui fallut pas longtemps pour rejoindre l'Académie de nouveau, accompagnée par son fidèle Bulbizarre, qui lui avait été d'une grande aide cette fois-ci. Niamh était fort heureuse de pouvoir à présent se targuer d'être une exploratrice aguerrie, doublée d'une grande Pokémagicienne ! Il va sans dire que sur le chemin du retour, elle évita soigneusement de s'éloigner des sentiers. Assez de sensations fortes pour aujourd'hui ! Puis, elle avait hâte de mettre un peu de pommade sur sa main irritée. Décidément, les Pokémon n'avaient pas l'air de beaucoup l'aimer, cette main !