Le superordinateur vs le combattant des jungles [ft. Elisabeth]

A quelques reprises, Elisabeth avait remarqué que le jungko stagnait dans sa progression. Elle ignorait si c’est parce qu’ils vivaient dans un lieu moins dangereux ou si l’enseignement à l’académie prenait trop de place par rapport à l’entraînement. Pourtant ils continuaient toujours à faire les exercices matinaux ensemble. Tandis qu’elle faisait son jogging en forêt, Guevara sautait d’arbres en arbres, aussi vite qu’il pouvait. Sa souplesse et sa rapidité n’était même plus à prouver à ce niveau, mais il n’arrivait cependant pas à devenir plus fort. Un jour d’ailleurs elle vit le jungko tellement frustré qu’il donna un coup plein de fureur sur une grosse branche d’un jeune arbre. Un acte qui était pourtant tout à fait contraire à ses principes. Son ego l’avait emporté sur la raison. Juste après ce coup de sang elle n’avait plus vu son camarade de la journée. Il s’était réfugié à la cime d’un arbre et observait l’horizon pour faire le vide et se retrouver, comprendre pourquoi il stagnait.

La jeune femme ne le voyait pas souvent comme ça, mais à vrai dire il semblait plus dur avec lui-même depuis que… depuis que l’insécateur avait rejoins l’équipe à vrai dire. Il est vrai que Nobunaga faisait preuve d’un talent assez remarquable qui impressionnait Elisabeth, et le jungko ne comptait sans doute pas se laisser damer le pion par un simple insecte arrivé tout récemment. Pourtant il bloquait… et cela le frustrait.

Elisabeth réfléchit alors un moment à trouver une solution. Il était inutile qu’il devienne plus fort au risque d’en crever d’épuisement. Non, il fallait qu’il compte sur ses propres ressources. C’est bien ce qu’il faisait jusque là grâce à reflet et hâte. Il préparait son corps à dépasser provisoirement ses limites, dans deux domaines qu’il maîtrisait le mieux, à savoir la vitesse et l’esquive. Et qu’en est-il donc de la force ? Hé bien il existait bien cette autre technique. Est-ce qu’il maîtrisait de base sa propre force ? Sans doute. Pourrait-il dépasser ses limites ? Certainement. C’est pourquoi il était temps pour que le jungko assimile son troisième pilier de combat : Danse-lames !

C’était décidé. Ils prirent un jour, pas un autre et ils se trouvèrent sur le terrain vague, sans doute depuis l’aube. Guevara n’avait pas trop dormis et Elisabeth non plus d’ailleurs. Cela faisait plusieurs heures qu’ils s’entraînaient à la capacité en question et quand Guevara n’y arrivait pas, il s’énervait, et quand il s’énervait, Elisabeth s’énervait à son tour et il arrivait que l’orage pète entre eux. Mais rien qu’une dispute entre amis. Enfin… à ce qu’il paraît :

« Arrête de rouspéter et continue d’essayer, point ! Tu commences vraiment à me faire chier Guevara !
- JUN !… JUNGKO !
- HE BIEN ENFOIRE TOI-MEME ! »

Et cela remontait à plus d’une heure environ. Entre temps la tension était retombée et l’enseignante continuait d’observer son camarade essayer, encore essayer, encore et encore. Il s’exerçait à une sorte de danse qui stimulait son corps et sa combativité, une sorte de danse guerrière aborigène, quelque chose ressemblant à ce que faisaient des habitants d’Alola. Impossible de savoir si la chorégraphie était bonne ou bien si un truc coinçait dans la tête du jungko. Elisabeth avait fini par s’asseoir en tailleur, les yeux remplis de cerne et mi-clos, la tête lourdement reposée sur une main. Elle se mit d’ailleurs à bailler au bout d’un moment. Jusque ce que finalement quelque chose retienne son attention. Le corps de Guevara s’était mis à fumer comme s’il chauffait et il semblait vraiment concentré. Elisabeth sursauta quand le jungko termina sa danse en tapant du pied sur le sol comme un sumo, ce qui fit légèrement trembler les alentours.

Elle se releva aussitôt, et accourut vers lui d’un air soudain enthousiaste. Leur brève querelle était déjà très loin et effacée maintenant.

« Putain t’as réussi ! Yesss ! »

Le jungko sorti de son air concentré et inspecta tout son corps, l’air incrédule. Il sentait tout de suite qu’il pouvait déplacer des montagnes, ou presque. En tout cas, ce devait être une sensation assez enivrante. Lorsqu’il vit son amie revenir vers lui. Il acquiesça pour confirmer.

« Allez vas-y essaye, t’attends quoi? J’veux voir c’que ça donne moi ! »

Au départ il ne comprit pas trop ce qu’elle voulut dire, mais il regarda sa patte, l’air pensif, puis comprit. D’un seul coup il frappa le sol avec l’attaque casse-brique. Il n’avait pas vraiment forcé, mais le sol se fissura à l’endroit où il venait de frapper ! Il avait encore du mal à y croire, mais c’était bien réel. Toutes ces heures d’entraînement avaient finalement payées.

« PWALALA ! Hé fais gaffe, un jour tu va nous fracturer du diamant toi. Dis donc c’est classe quand même ! »

Il continua à s’essayer à cette force pendant un moment en donnant des coups dans le vide, histoire de s’y habituer, jusqu’à ce que la sensation de puissance le quitte au bout de plusieurs dizaines de minutes. Après tout ce temps il ne se sentait pas vraiment fatigué, au contraire il se sentait même renaître. A côté de lui il entendit Elisabeth bailler.

«  Aaaahhmmmhhh… pardon. J’dirais pas non à un ptit café moi après. » confia-t-elle en se frottant les cheveux.

Puis quelqu’un les interpella juste après. Un beau gosse. Décidément elle avait le chic pour les attirer ceux là. Normalement elle se serait montré plus pimpante que ça devant son interlocuteur, mais cette nuit à moitié blanche l’empêchait de lui faire une démonstration de son dynamisme habituel.

« Hey ! Bah un peu ouai, on en profite quoi. »

Puis elle remarqua le métalosse, siffla pour indiquer qu’elle était impressionnée et fini par avouer :

« Dis donc, belle bête. Ça doit pas être simple d’entraîner un pokémon pareil. » Puis reportant son attention sur le bellâtre. « Mais bon, tu fais ptet pas dans la simplicité toi, hein ? » lança-t-elle avec un petit sourire confiant.

Hé oui, elle répondait toujours présente pour briser la glace comme un paquebot traversant les mers gelées de l’antarctique cette femme là.

Maintenant qu’il en faisait mention, Elisabeth se disait que le jungko avait en effet bien poussé depuis leur rencontre, mais ça il le devait en partie grâce à lui-même. Déjà lorsqu’elle avait rencontré l’arcko pour la première fois il avait déjà su faire preuve d’habilité et de jugeote, un signe qui indiquait déjà qu’il était destiné à être assez doué. C’est pourquoi elle répondit d’un air détendu, tout en tapotant de sa main sur le dos de son camarade.

« Ah ouai pour ça… déjà plus de dix ans de vie en couple n’empêche. Vivre le meilleur et le pire ensemble ça vous forge quelqu’un. »

Toujours est-il qu’elle se sentait s’encroûter sur cette île, à mesure que les années passaient, d’ailleurs ça devait faire pratiquement deux ans qu’elle enseignait ici. Mais c’était pour elle comme s’il manquait un peu une dose de danger pour la stimuler. Elle s’était toujours sentie le plus vivre pleinement dans ces moments là. La dose d’adrénaline lui manquait. Mais bon après tout, inutile qu’elle aille chercher les ennuis n’est-ce pas ? Elle avait toutes ces responsabilités de professeure à respecter maintenant. Certains élèves lui donnaient assez la migraine comme ça.

Mais bon voilà qu’il lui proposait de l’action. La voilà sans doute sa dose de stimulation matinale ! Ceci avait réussi à lui donner un léger coup de fouer. D’une façon assurée et souriante elle replia le bras aussitôt et referma son poing de façon énergique.

« Et comment ! Je commençais à m’ennuyer à mort ici. Je suis ton adversaire dès que tu veux. » Puis elle inclina la tête vers le jungko en lui glissant un mot à son tour. « T’en dis quoi mon vieux ? »

Guevara aquiesca d’un air déterminé puis leva sa patte en face de sa dresseuse. Cette dernière tapa alors de son poing contre la patte. Voilà bien une preuve de synergie entre ces deux là.

Il se présenta ensuite à elle. Ah… encore un nom difficile à retenir. C’était à peu près pareil avec un de ses anciens collègue qui s’appelait Hiroya. Au final elle s’était contentée de l’appeler Hiro. Celui-ci aurait sans doute à son tour le droit à un diminutif et d’être appelé Kyu quand elle en aurait marre de se rappeler de son nom. Mais surtout il était prof de stratégie ! Oh, hé bien ce ne serait pas une mince affaire que d’affronter quelqu’un qui s’y connaît. Mais sa victoire n’en serait que plus agréable, bien qu’elle doute quand même de ses chances. Elisabeth s’est contentée d’apprendre sur le tas, pratiquant sans relâche avec seulement comme moteur la mentalité de son père,  ce colonel de l’armée qui lui avait inculqué la notion de travail acharné. Cela ne faisait pour autant pas de lui un parent digne de son affection ou de son respect, au contraire même. Elisabeth ne lui pardonnait toujours pas certaines choses. Du reste elle n’avait pas de connaissances théoriques avancées en stratégie, sans doute le point qui séparerait les deux enseignants lors de leur duel.

A son tour elle se présenta, main reposant sur une hanche et l’air détendu :

« Hooôô...? Pas mal. Du coup tu dois t’y connaître assez. Je vais devoir redoubler d’attention je sens pour ce petit match. Sinon moi c’est Elisabeth Greenjaw, je m’occupe principalement des cours de phytothérapie et botanique, entre autres sensibilisations sur l’écosystème. Tu vas surtout me voir traîner dans la serre en fait. »

C’est en général à ce moment que les gens commençaient à la sous-estimer, quand elle faisait mention de ces matières là. Hé bien de toute manière il comprendrait assez vite. A savoir déjà si l’air confiant de la jeune femme lui donnait un semblant d’indice. Finalement elle proposa à son collègue :

« Enfin bon, c’est quand tu veux pour la castagne mon gars. »

Forcément si vous vous attendiez à ce qu'Elisabeth ait des paroles aussi mesurées que son interlocuteur, vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu'au coude.

C’était tout à fait ce qu’elle avait en tête, un duel, alors elle acquieça. Et puis surtout elle n’avait certainement pas envie de prolonger trop longtemps ce combat. Elle craignait de commencer à perdre sa concentration en cours de route à cause de la fatigue et elle commençait même à avoir faim et soif, tout comme le jungko. Juste une petite démonstration de force, histoire de voir ce que cette créature d’acier avait dans le ventre mais aussi prendre conscience de la stratégie abordée par son collègue. Elle pourrait certainement apprendre deux trois trucs de la part d’un expert tout en s’amusant un peu. Autant en profiter avant d’aller prendre une bonne pause bien méritée. Sans doute interromprait-elle le combat à un moment pour éviter de trop fatiguer Guevara. Elle verrait bien.

Le binôme alla prendre position en face. La jeune femme brune se donna deux claques rapides sur les joues et secoua la tête rapidement pour se réveiller un peu plus. Le reptile de type plante quant à lui était déjà bien échauffé depuis son entraînement préalable. Guevara resta debout, souple, les pattes avant en position de combat et le corps de profil tout en observant cette masse métallique qui s’opposait à lui. Le jungko doutait clairement égratigner un seul millimètre de cette peau robuste, il savait juste qu’il devait faire attention à ne pas se faire mal en frappant. Mais bon il devait relativiser, car après tout il avait déjà dû affronter un pachyradjah géant à Galar, alors un métalosse de taille normale cela l’impressionnait quand même moins. Mais c’était quand même fort et résistant. Il ne prendrait l’ascendant sur lui que grâce à ses déplacements et sa souplesse.

L’ordre fut donné en face et l’enseignante tout comme son pokémon entrèrent aussitôt sérieusement dans l’ambiance. Elle n’était clairement pas déçue par cet enchaînement. Son collègue avait aussitôt compris quel écart réduire entre les deux pokémon. Guevara sentit ses muscles s’endormir légèrement mais rien de grave pour l’instant. Il ne lui restait plus qu’à attendre les ordres de son amie, qu’elle s’apprêtait à lui donner bien vite.

« Reflet et puis hmm…
- Ko… Ko… Ko… Ko...
- … Hmm ouai, Lame-Feuille entre ses yeux !»

Le jungko s’était déjà préparé à créer quatre images de lui qui l’entouraient, une image apparaissant à chaque « Ko », pendant que sa dresseuse réfléchissait à la prochaine attaque. Clairement Elisabeth se demandait comment appréhender ce machin. Elle devait au moins tester sa résistance. Elle avait hésité d’ailleurs pour cibler les pattes, le sommet de la tête, ou un autre endroit, mais un métalosse n’avait clairement pas de point faible apparent. Même les jointures entre ses pattes et son corps semblaient trop robuste à première vue.

Guevara s’élança alors comme porté par le vent, le corps penché un peu vers l’avant et les pattes avant vers l’arrière. Tel un ninja il était accompagné par quatre autres images de lui-même disposées en croix. Comment Kyûsaku allait pouvoir déterminer s’il fallait frapper celui de droite, celui de gauche, de devant, de derrière ou du milieu ? Elisabeth était curieuse de le savoir. En tout cas Guevara lui savait déjà qu’il frapperait depuis la droite du métalosse, sur cette croix entre ses yeux presque assimilable à une cible, usant d’une patte et du tranchant des feuilles sur son poignet pour attaquer.