Entre le milkshake et le smoothie. [Terminé]

Cette histoire est des plus banales. Elle prend place durant la convalescence du Lucario de Drew. Ce même Drew, conscient de sa responsabilité envers son Pokémon, avait concentré ses efforts sur la recherche d’un moyen d’assurer à son compagnon une quasi-totale guérison. Parmi ces moyens, l’un d’entre eux s’était démarqué du lot, grâce à un Caratroc que le professeur surnomma à juste titre : Remedy. Pendant plusieurs semaines, Remedy et lui parcoururent les forêts environnantes à la recherche de baies lui permettant de produire des jus de baies aux vertus thérapeutiques. Si le corps médical et Drew non plus d’ailleurs, ne croyait pas vraiment à ces vertus, ils avaient au moins statué qu’ils n’auraient aucun effet négatif sur la guérison du patient. Alors autant tenter l’expérience. Si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal non plus.

En revanche, ces longues semaines de cueillettes et la création intensive de ces remèdes avait eus un impact inattendu bien que totalement prévisible. La quantité astronomique de baies récupérées par Drew et son Pokémon avait quelque peu… chamboulé les habitudes des riverains. Ainsi la nourriture venant à manquer, des rixes soudaines entre différentes espèces de Pokémon ne tardèrent pas à se profiler. C’est sous une pluie battante que Drew et Remedy finirent par rencontrer l’une des victimes de leur cueillette inconsidérée. Sous leurs yeux se trouvait un Charmilly visiblement épuisé, blessé suite à un combat qu’il pouvait difficilement gagner face à l’Airmure qui dominait la région. La bataille pour les baies avait fait rage et le perdant était désormais en face d’eux.

Celui-ci était visiblement abattu. Et son regard accusateur sur ceux qu’il savait responsable de sa situation en disait long. Le corps meurtri et le ventre vide, il voulut refuser les baies qu’on lui tendait lorsque sa détresse apparut aux yeux de ses propres bourreaux. Trop fier sur le moment, le gargouillis de son ventre eut raison de lui, le poussant à manger l’une des baies offertes pour calmer sa faim. Alors que Drew voulait lui tendre sa main en signe de bonne foi, ce n’était pas un simple encas qui allait permettre de rabibocher les deux caractères ici présents. Le Caratroc tenta d’expliquer la situation, mais rien n’y faisait, le Charmilly refusait toute tentative de réconciliation, tournant le dos à ceux responsables de son malheur. Son ventre gargouilla une seconde fois, lui faisant baisser la tête par dépit. Tournant son bras derrière lui avec la paume ouverte pour quémander une nouvelle fois sans même se retourner pour les regarder, il reçut toutefois une nouvelle baie qu’il s’empressa de manger avant de s’effondrer en larmes.

Ce n’était pas la première fois que cela arrivait. Il était déjà parti de chez lui une première fois quand les humains avaient détruit sa forêt pour installer un nouveau lotissement. Il avait déjà eu faim, il avait déjà eu soif et il avait l’impression qu’il n’avait jamais eu droit à rien. Le Charmilly se sentait seul et dans le besoin depuis beaucoup trop longtemps. En emménageant ici, dans cette nouvelle forêt où il avait trouvé de l’eau et des baies à profusion, il espérait que cette période était révolue, mais elle venait une nouvelle fois de le rattraper, sous une autre forme. Le Charmilly était fatigué, son combat dont il était sorti perdant l’avait épuisé et ses nerfs finirent donc par craquer. Acceptant l’épaule du Caratroc pour pleurer ses larmes sucrées diluées par l’eau de pluie, le Charmilly tentait de reprendre un peu sa consistance. Une nouvelle fois l’humain lui tendis une main secourable, une fois encore, le Charmilly la refusa. Drew décida donc de rentrer, ne cherchant pas à insister face à quelqu’un qui refusait catégoriquement son aide.

Ensemble, Remedy et Drew firent volte-face, retournant à leur domicile. Mais le Caratroc, se doutant que la curiosité resterait assez forte, laissa derrière lui une trainée fine mais pistable de jus de baie derrière son sillage. Une piste que le Charmilly, n’ayant de toute façon pas grand-chose de plus à faire, décida de suivre. Tandis que Drew s’occupait alors de son Lucario, le Pokémon inconnu se plaça à la vitre et contempla l’intérieur. Ils avaient tout. Un foyer, de la nourriture, de l’eau et l’un d’entre eux, blessé, était au centre de l’attention de chacun. Le Charmilly fut prise d’une grande crise de jalousie. Pourquoi eux seraient-ils mieux lotis que lui ? Qu’avaient-ils fait pour mériter ce foyer, ce confort ? Sans hésiter, le Charmilly frappa à la porte à plusieurs reprises jusqu’à finalement en briser la serrure. Trempé, il rentra sans ménagement dans la maison avant de rejoindre tout le monde dans la chambre dédiée au Lucario. Une fois sur place, au vu et au su de tous, il piqua une crise de colère monumentale témoignant de sa frustration personnelle, de la colère qu’il éprouvait envers le dresseur et de la jalousie qu’il ressentait de tous les voir aux petits soins pour une seule personne.

Le Lucario, alité mais bien réveillé, tourna alors la tête vers cet étranger et l’invita à s’installer à côté de lui. Il l’invita à parler de lui et à exprimer ses sentiments, ce que le Charmilly fit sans hésiter, celui-ci ayant besoin de vider son sac une bonne fois pour toute. Puis ce fut au tour du Lucario d’expliquer sa situation, avant de s’excuser à la place de son maître pour le trouble qu’il avait apporté dans la vie du Charmilly en essayant de sauver la sienne. Le Charmilly comprit qu’une fois de plus, l’enfer des autres était pavé des bonnes intentions des premiers. Mais ça ne suffisait pas. Il ne voulait pas retourner dans sa forêt pour être à nouveau victime de la loi du sort. Il voulait tout ça : ce confort, cette solidarité, cette simplicité. Drew prit une chaise qu’il retourna pour s’installer dessus, mettant son visage à la hauteur de leur invité, perché sur le lit du convalescent.

« Tout ceci a un prix que chacun ici est prêt à payer. Sagi a payé un prix beaucoup plus élevé que la moyenne et les autres s’amendent de leur dette en le soutenant. Chacun ici a un rôle à jouer et le joue sans discuter. Personne ne fait rien contre sa volonté et tout le monde est libre de partir s’il décide que les chemins doivent se séparer. Mais personne n’entre sans proposer quelque chose sur la table. Qu’as-tu à offrir en échange de ce que tu demandes ? »

Le Charmilly regarda autour de lui, essayant de voir ce qui pouvait manquer à cette communauté que nulle autre ne pouvait offrir. Son regard se posa alors sur les différents bocaux contenant les jus de baies préparés par Drew. Il fit signe de lui passer un des bocaux et en gouta le contenu avant d’en faire gouter également au Lucario pour voir sa réaction. Le Lucario commençait à avoir l’habitude de cette mixture même s’il savait qu’elle n’avait qu’un effet relativement limité sur sa guérison. Le Charmilly prit quelques instants de réflexion puis dans un éclair de lucidité, sembla déterminé ce qui manquait à la mixture. Usant d’une attaque dont il avait le secret, le Charmilly ajouta donc un peu de sa crème personnelle et fit signe à l’humain de mélanger le tout avec le jus de baie, donnant ainsi un mix entre un milkshake et un smoothie. Le Charmilly gouta la nouvelle mixture, son sourire donnant le feu vert pour sa consommation par le Lucario. Le Lucario gouta à son tour et sentit immédiatement une forte différence, expliquée par les informations données par le Pokédex de Drew :

« Nappage. Attaque signature du Charmilly. Le lanceur augmente beaucoup l'Attaque et l'Attaque Spéciale de la cible en la nappant de glaçage. »

Le Lucario avait l’impression d’avoir pris une boisson énergisante et non plus un simple remède de grand-mère contre le rhume. Validant cette nouvelle recette par un signe approbateur, le Lucario remercia le Charmilly qui se tourna vers Drew, flegme bien exprimé et bras croisés, considérant avoir démontré son utilité et son mérite à faire partie du groupe. Drew navigua rapidement sur son Pokédex, voyant qu’il existait un grand nombre de Charmilly différent et que celui qui lui faisait face faisait partie des mélange ruby à fraise.

« Ruby. C’est pas mal. Qu’en penses-tu ? »

Le Charmilly acquiesça bien que gardant toujours son aspect fier et déterminé.

« Très bien. Allons-y Ruby. Je ne peux que te montrer la porte, c’est à toi qu’il revient de la franchir… Ou de la défoncer, comme tu as su si bien le faire tout à l’heure. »

Drew lui présenta une Soin Ball, une Poké Ball toute désignée pour quelqu’un qui avait lui-même besoin de soin et dont le rôle était de prendre soin d’un autre. Le Charmilly accepta et appuya de lui-même sur la Ball, acceptant donc de faire partie de l’équipe.