It's a beautiful day outside...

Edenia ! Non pas l’ile, mais la ville. C’était la première fois qu’Elincia s’y rendait, en compagnie de sa maitresse. L’humaine allait passer la journée au sein d’un énorme building resplendissant, assise à un pupitre pour écouter défiler des dizaines de musiciens tous plus talentueux les uns que les autres. En tant qu’ancienne virtuose, il n’était pas rare que Sylvie se retrouve jury dans ce genre d’évènement. Et si leur musique n’était pas désagréable aux oreilles de l’Emolga assistante, l’idée de rester assise une journée entière à écouter les mêmes morceaux joués en boucle ne l’enchantait guère. Heureusement, sa maitresse avait eu la bonne idée de lui confier une mission annexe durant leur court séjour en ces lieux : depuis quelques jours, son Pokenav refusait de s’allumer, elle ne pouvait donc plus répondre aux questions de ses élèves en dehors des cours. Après une investigation minutieuse, Elincia comprit d’où venait le problème : la batterie avait surchauffé, il fallait changer la pièce. Et pour cela, deux solutions s’offraient à elles : renvoyer l’objet au service après-vente, et attendre une bonne semaine sans aucune assurance de résolution… ou racheter la pièce afin qu’Elincia la remplace.

Telle était sa mission du jour, tandis que l’Emolga survolait les rues à la recherche d’une boutique d’électronique. Il y avait bien quelques magasins de Pokenav autour du conservatoire, mais tous ne proposaient qu’une réparation ou un remplacement. Finalement, Elincia dû s’éloigner du centre-ville pour trouver ce qu’elle recherchait : un magasin de pièces détachées perdu entre deux ruelles vides et poussiéreuses dans un quartier de la ville si mal entretenu qu’elle doutait que quiconque y vive encore. Cette boutique avait sans doute un certain nombre de tares à se reprocher pour s’être autant isolée… mais qu’importe ! Au moins, ils auraient ce qu’elle cherchait.
Étant incapable de communiquer avec le vendeur, Emolga se contenta d’évidences et de gestes clairs. Heureusement, en tant que seule cliente, le vendeur avait le temps de s’occuper d’elle. Il comprit sa requête lorsqu’elle déposa la pièce abimée sur le comptoir, et accepta les billets qu’elle lui tendait sans poser davantage de question. Il revint après quelques minutes du fond de son magasin, une pièce neuve entre les mains. Emolga le remercia d’une révérence et ressortit comme elle était venue.

Une bonne affaire de pliée ! Elincia porta une main sur le collier en métal qu'elle portait autour du cou : pas de signal, sa maîtresse n'avait pas réclamé sa présence, tout se déroulait donc bien de son côté aussi. Elle leva les yeux vers les cieux, d’où un soleil resplendissant zébrait les murs de sa chaleur, incapable d’en atteindre le béton tant les ruelles étaient escarpées. Ce quartier ne donnait vraiment pas envie d’y rester. Heureusement, elle n’avait plus rien à y faire ! Elle nota quand même dans un coin de sa tête la présence de cette boutique : sans doute aurait-elle besoin d’y revenir pour sa maitresse, elle avait repéré plusieurs bricoles vraiment intéressantes sur les étalages.
Tout en y réfléchissant, Elincia ouvrit la petite sacoche qu’elle portait en bandoulière, y rangea la batterie neuve et fit quelques pas droit devant elle, guidée par le hasard. La journée était à peine entamée, sa maitresse avait encore de nombreuses heures de spectacle devant elle. Peut-être serait-il judicieux de faire un minimum de repérage avant de la rejoindre ? Elle pourrait trouver d’autres boutiques comme celle-ci. Sans doute sera-t-elle plus utile envers sa maitresse gorgée de nouvelles informations plutôt qu’en étant restée passive à écouter des musiques qu’elle ne saurait juger.

Mouais, pas si terrible ce quartier. Elincia avait beau détailler les façades de gauche à droite au cours de sa marche, aucune autre boutique n’attirait son attention. De toute façon, la plupart d’entre elles étaient verrouillées d’un large rideau de fer couvert de graffitis qui ne se rouvrirait pas de sitôt. Elle soupira et se dégourdit les bras d’un mouvement ample, prête à s’envoler lorsqu’une voix sortie de l’ombre la fit sursauter. Plus surprise qu’effrayée, l’Emolga abandonna son idée d’envol et jeta des coups d’œil furtifs dans les quatre directions, à la recherche de son mystérieux interlocuteur. Pourquoi parlait-il de son collier ? Sans être repoussant, ce n’était qu’un utilitaire dont elle n’aurait jamais affirmé la beauté.
Ce n’est qu’en voyant l’inconnu bouger qu’elle le repéra, camouflé dans l’ombre d’une ruelle, ne laissant que ses pupilles rouges le trahir en une vision menaçante. Heureusement, il s’avança quelque peu et elle put enfin détailler sa silhouette. C’était un sacré morceau, un bon mètre tout en fourrure épaisse, Elincia fut obligée de lever la tête observer le sommet de sa superbe crinière blanche dont la plus avancée des pointes s’achevait d’un morceau plus sombre et rigide.
L’ombre n’aidant pas à l’analyse, Elincia attendit qu’il s’avance encore pour pouvoir le dévisager. Cependant, lorsqu’il reprit la parole, elle changea bien vite d’intentions. Après un moment d’absence, le temps d’encaisser l’insulte, la femelle croisa les bras et gonfla les joues en détournant le regard, visiblement vexée des paroles de ce rustre.

— Tu trouves vraiment que j’ai l’air d’un Rattata ?

Elle n’était pas à cheval sur son physique, comme le montrait son léger surpoids ici et là. En revanche, aller jusqu’à la comparer au plus sauvage de ses cousins lointains ? Peuh ! Elle n’aurait même pas dû répondre, et plutôt s’envoler comme il lui interdisait de le faire.
D’ailleurs, ça aussi, c’était une bonne blague. Il n’était pas né celui qui l’empêcherait de s’envoler !
Loin de réaliser l’ampleur des menaces du prédateur, Elincia le prenait simplement pour un rustre comme ceux qui l’approchaient de temps à autre au centre d’élevage. Habituée à ignorer ce genre de commentaires désagréables, elle n’en était jamais venue aux mains et n’imaginait pas qu’il en serait autrement hors de son petit nid douillet.

— Bref, cracha-t-elle de frustration, j’imagine que tu n’es pas venu me faire visiter TON quartier ? Alors tu m’excuseras, mais ma maitresse attend sa commande.

Et sans autres concessions, elle tourna le dos à ce malotru et reprit sa marche parmi les ruelles sombres. Évidemment, elle ne tarda pas à agiter ses bras de nouveau pour déployer ses patagiums, prête à s’envoler en toute sérénité malgré ces propos menaçant. Ce type l’avait mise en rogne ! Elle comptait bien mettre un maximum de distance entre ce quartier repoussant et elle.